Le tube de l’été

Tu vas me dire que ça a toujours existé. Oui. Ben cette année, ça m’énerve. Le tube de l’été, c’est facile à cerner. C’est LA chanson qui te reste dans la tête. Et qui passe en été. Si on est au mois de décembre, ça ne marche pas. Suivant ton caractère et ta propension à supporter les atrocités radiophoniques, tu apprécieras ou non le tube de l’été. Mais que tu l’aimes ou pas, tu ne pourras pas y couper. Tu l’entendras partout. Si tu aimes, ça fera ta joie. Si tu détestes, tu vas souffrir. Tu peux toujours choisir de ne pas allumer ta télé, encore moins ta radio, d’éviter les supermarchés et autres lieux publics susceptibles de diffuser une musique d’ambiance. Evite aussi la maison de tes amis, eux aiment peut-être bien le tube de l’été. Même si ce n’est pas le cas, ils n’auront peut-être pas eu la présence d’esprit de couper la radio ou la télé.

Tiens, ça m’agace, ça aussi. Quand tu vas chez les gens et qu’il y a la télé. Comme si, quand tu allais chez les gens, c’était pour regarder la télé ensemble, pas pour discuter…Si tu viens à l’improviste, admettons. J’avoue que moi-même, je ne m’abstiens pas toujours de regarder des chiffres et des lettres, cédant au vil appel du générique remixé avec les pieds par un apprenti DJ sourd et cul-de-jatte. Cette émission est tellement vieille qu’elle me rappelle mon enfance. A part qu’à l’époque, le générique, il ressemblait à quelque chose. En même temps, quand on compare avec certains titres à la radio, le nouveau générique suit la mode…C’est terrible.

Mais revenons à notre tube de l’été. A moins d’être prêt à ne t’informer qu’en lisant le journal, à écouter en boucle le même CD dans ta voiture, à affronter un silence de mort – ou le bavardage intempestif de ta collègue – au bureau, tu ne pourras pas échapper au tube de l’été. Autant s’y résigner. Pour lutter contre, on peut se mettre à chanter très fort un autre truc qu’on aime bien. Le truc insidieux, c’est qu’à force de faire ça, il est possible que même la chanson-que-tu-aimes-bien finisse par prendre des airs de tube de l’été. A tel point que tu finiras par la chanter le soir avant de dormir, par l’avoir dans la tête au réveil alors que n’as même pas encore fait le point pour savoir si tu as envie de pipi. Tu peux te dire que ça pourrait faire pareil avec le tube de l’été et que, bon, au moins, là, tu aimes bien. Ouais. Ben ça va pas durer, crois-moi. Des gens bien en sont venus à détester Queen, comme ça. C’est en tous cas la seule raison rationnelle pour que quelqu’un n’aime pas Queen. Ou alors, ils ont entendu le groupe sans le regretté Freddy Mercury.

Bon. Avec un peu de chance, le tube de l’été sera en portugais et tu n’y comprendras rien. Ca te permettra de moins bien le retenir. Il est possible qu’il soit en anglais auquel cas, tu as normalement appris la langue à l’école mais si tu es un bon français, tu n’y comprends rien non plus. A part les quelques « I love you » et autres « How do you do » tu échapperas au fait de chanter les paroles d’un tube pourri dans la rue, sans même t’en rendre compte. Surtout que « How do you do » est peu utilisé dans les textes anglophones. Car oui, le vice du tube de l’été, c’est que parfois sans t’en apercevoir, et ce indépendamment du fait que tu aimes ou pas la chanson, tu vas la chanter. La fredonner, au moins. C’est le summum du marketing viral. L’avantage, si tu ne comprends pas les paroles, c’est que tu ne feras que fredonner, et généralement on fredonne moins fort qu’on ne chante. Ca te permettra, d’une part de ne pas te taper la honte « ouah l’autre eh, elle chante le tube de l’été » et d’autre part d’épargner la personne qui se sacrifie en lisant le journal la radio éteinte pendant 4 mois. Oui, 4 mois. Le tube de l’été commence en général en mai et finit en septembre. Si ça n’était vraiment que l’été, ça serait pas drôle.

Mais il y a pire.

Depuis quelques années, ils ont trouvé un truc super, dans la publicité. Ils reprennent des vieux tubes – de l’été ou pas – qui t’ont bien pourri la vie pendant des années, ils changent les paroles et remettent le nom de la marque. Ces chansons de notre culture populaire. Toujours des chansons françaises, qu’on connaît par cœur parce qu’elles sont toujours dans les rétrospectives sur la « culture » de chez nous. Ces chansons qu’on subissait dans l’émission de variétés du samedi soir, à l’époque où il y en avait une tous les samedis soir. C’était l’époque où les Experts n’existaient pas, qu’il n’y avait que 6 chaînes et encore, la 5 c’était pas toute la journée, où il n’y avait pas de séries HBO et surtout, où Facebook n’existait pas. Du coup, pour s’occuper le soir, soit on batifolait sous la couette, soit on regardait les émissions de variété. Parfois les deux, ça n’empêchait pas.

Par souci d’équité – en fait je suis sûre que c’était un plan à long terme, sans doute une idée de Jacques Séguéla – les enfants qui n’apprenaient pas les chansons à la télé parce que leurs parents avaient décidé d’aller batifoler sous la couette les laissant seuls avec leurs nounours, nous apprenions aussi ces chansons à l’école. En plus d’une bonne dizaine de comptines absurdes que nous adorions alors que quand on entend les gosses les chanter maintenant, les mêmes, on les trouve quand même franchement cons.

Et maintenant que ces chansons sont bien intégrées dans notre inconscient collectif, ils nous mettent le coup de grâce. Ils ont toujours chanté sur de la pub. Qui ne se rappelle pas du « lalala, 3 Pays neutres le Chouchou » ? Mais ça marche beaucoup mieux avec des chansons que nous connaissons déjà. L’air est déjà intégré. Du coup, ça rentre plus facilement. Des fois, ça marche moyen, parce qu’on finit par re-chanter cette chanson débile qu’on avait apprise à l’école. Je t’assure que c’est quand même un peu la honte de s’apercevoir qu’on chante « J’ai une grand mère au Maroc qui s’appelle Hip-Hop » en plein milieu de la cour arrière au boulot, même s’il n’y avait personne. Et là on se dit, mais merde, ça me vient d’où cette connerie sortie de Mathusalem, j’ai pas chanté ça depuis la classe de neige. Et on réfléchit. Ben ouais, c’est cette p**** de pub pour l’€uro personnalisé qui passe à la radio. Maintenant, à chaque fois que je l’entends, je suis prise d’une envie irrépressible de m’arracher les oreilles.

Et après, il y a la pub qui marche à fond. Non seulement l’air que tu connais déjà rentre dans ta tête, mais les paroles aussi. Et là, tu te retrouves à chanter la pub pour un alcool Charentais très réputé sur l’air de « Chante la vie Chante ». Je suis sûre que ça peut rendre cinglé. Moi, je suis protégée, j’aime pas ça. Malgré mon ascendance Charentaise, je n’aime pas ça. Je suis la honte de la famille. Mais bon, pour une fois que ça peut m’éviter d’avoir l’air con…Tu t’imagines toi, t’as des potes à la maison et tu leur dis

–  Bon alors en apéro j’ai du jus de fruit, du truc gazeux qui marche aussi bien dans les toilettes, de la bière et sinon j’ai du « Pineauuuuuu des Chareeeennteuh, servi bien frais mais surtout sans glaçons padapapapapada, des arôoomes originaux pour l’apééééééro, Pineauuuuu des Chaaaaaarentes ! »

Ben si tes invités partent pas en courant, t’as de la chance !

Note, cher lecteur, que je n’ai fait aucun effort pour ressortir de mémoire les paroles de cette fantastique pub pour un alcool – dont l’abus est dangereux pour la santé, à consommer avec modération, on n’a pas besoin de le dire dans ce genre d’articles c’est juste pour les pubs mais comme tout le monde le fait, ben moi aussi. Pi bon, je cite une pub, là –

Bizarrement, il y a aussi des artistes auxquels on ne s’attaque pas. Johnny, par exemple. Peut-être que la fin de son contrat où il beugle « Optiiiic ! 2000 » va nous permettre d’en profiter. Avec tous les classiques qu’il a sortis, y’aurait moyen :

«  On m’a trop donné bien avant le Brie, mais je reprendrais bien d’la Vache qui Rit  »

« Quand tes cheveux s’étalent, comme un soleil d’été, je sais que ton shampooing, c’est bien du Timotei »

« Oh Marie, si tu savais, tout le gras que j’ai mangé, oh Marie si tu pouvais, du Danacol me redonner »

Ou Balavoine :

« La pizza, a manger, seul ou bien à trois. Mange avec moi ! La pizza, La pizza ! »

Bon, je vais arrêter mes conneries, si un publicitaire en mal d’idée se retrouve par hasard sur cette page, il serait foutu de me piquer mes idées. Pas que je sois intéressée par le droit d’auteur, non. Mais je m’en mordrais les doigts si je les entendais un jour à la radio.

mars 2014