Je suis du genre touche à tout. Quand j’ai une idée, j’essaie de la réaliser, que ce soit avec de la nourriture, du papier mâché, 3 bouts de ficelle… J’ai eu ma phase arbres en perles. Le problème c’est qu’une fois qu’on a fait le tour de la famille pour les refourguer, on se retrouve avec un petit stock qui encombre les placards. J’ai eu ma période papier mâché. Je me suis amusée à faire des bosses informes et à les peindre sur des cadres en bois que j’ai offert aux invités de mon Pacs. Ca encombre leurs placards – car ça s’intègre mal à une déco sobre et moderne, genre épuré-tout-acheté-au-même-endroit.
Depuis une quinzaine d’années, je tricote. Sérieusement, disons, car j’ai appris à tricoter bien avant, avec ma Mamie, et je faisais des écharpes pour mes peluches car il fallait que mon projet soit terminé le jour même. Les enfants et la patience, hein…Puis à 15 ans, ma Maman m’a appris le crochet, seul truc créatif un tant soit peu « vieillot » à l’époque auquel elle daignait s’intéresser parce que « Ca va quand même beaucoup plus vite que les aiguilles et puis t’as qu’une maille alors si tu la perds, ben tu la reprends, c’est tout ». Avouez qu’elle le vendait bien. Je ne rentrerai pas dans le débat aiguille vs crochet, j’aime les deux – car j’ai repris le tricot aux aiguilles depuis – ils ne permettent pas les mêmes choses et ont chacun avantages et inconvénients. Pour ce qui est du temps passé, tout dépend du point et non, je ne trouve pas que le crochet aille plus vite que les aiguilles dès lors qu’il s’agit de réaliser un vêtement.
Et la couture, oui, j’y viens. La couture aussi, c’est Mamie qui m’a appris. Honnêtement je ne sais même plus ce que je bricolais, elle me donnait une aiguille, du fil et des chutes de tissus, elle me mettait le fil double avec un nœud au bout pour ne pas avoir à me renfiler l’engin toutes les 2 minutes – j’avais peut-être 5 ans – et elle me laissait faire. J’ai vaguement souvenir d’un ou deux « tableaux » abstraits à base de boutons et fermetures éclair. Plus tard j’ai fait des sachets de lavande, des vêtements pour les peluches, des chouchous…
Puis j’ai découvert la couture sur papier grâce à un bouquin emprunté à la bibli. Mamie ne connaissait pas non plus mais elle a trouvé que c’était une technique pratique pour m’apprendre à coudre droit. J’ai eu droit de toucher à sa machine, on a fait des plaids. Même mon Papi participait, il nous traçait les formes géométriques sur les feuilles de papier.
Adulte, sans doute influencée par ces souvenirs, j’ai rapidement voulu une machine à coudre, ne serait-ce que pour faire des ourlets… Ca doit faire une dizaine d’années que je l’ai cette machine. J’ai même essayé de me faire quelques vêtements « à l’arrache », mais précisément, la couture est un art qui ne permet pas ce genre d’approximations. Elle demande une patience, une rigueur, une précision que je n’avais pas, ou plutôt que je n’étais pas disposée à consacrer à ces projets. Alors forcément, ça ratait, c’était pas joli et j’avais l’impression d’avoir perdu mon temps. Je me suis lancée dans les sacs, cousus, tricotés ou un mix des deux parce que les sacs, si ça tombe pas pile-pile, il y a toujours moyen de tricher.
Mais ça titille, de plus en plus. C’est comme pour Proust. On m’en avait parlé vite fait au lycée – l’histoire de la madeleine, évidemment – et je m’étais dit « ouais, pff, hein ». Puis j’en ai entendu parler plusieurs fois, surtout en négatif : les pavés que tu ne finis jamais. Mais petit à petit, au fil de certaines lectures et autres découvertes, j’ai eu envie de tester. Et en fait, Proust, c’est génial. Oui, il fait de longues phrases au milieu desquelles on se perd, mais on finit par aimer s’y perdre, c’est comme une musique, ça berce. Mais je ne conseillerais jamais « la Recherche » à quelqu’un qui n’est pas « mûr » pour le lire. Proust, il faut savoir prendre le temps de s’y plonger complètement, autrement, on s’y noie. On ne lit pas Proust vite fait aux toilettes ou entre deux métros. Et la couture, c’est pareil. Et pas seulement parce qu’installer la machine entre la cuvette et le dévidoir à papier serait compliqué.
La couture, elle aussi, il faut apprendre à l’aimer. Prendre le temps de réfléchir au projet, d- essayer – de soigner les détails pour en faire quelque chose de joli. La couture demande rigueur et précision mais c’est aussi ça qui fait son charme, il faut savoir à quoi s’attendre avant de s’y jeter, au risque de s’y perdre et de s’agacer, mais le voyage vaut vraiment le coup.